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3 Mai 2017
La dette publique française s'élève à plus de 2 000 milliards d'Euros. Comment en est-on arrivé là ? Qui en est le responsable ? Qui détient la dette ?
Enquête de Benoït Collombat.
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Pourquoi la dette a-t-elle tant augmenté ?
Jusqu’à la fin des années 1970, l’Etat maîtrise sa dette publique. Il se trouve dans la position d’un banquier qui se finance lui-même. Il agit directement sur la monnaie et sur l’encadrement du crédit. Mais au début des années 1980, c’est "le grand basculement". Sous l’influence du modèle anglo-saxon, la dette n’est plus administrée par l’Etat. Elle est placée sur les marchés financiers.
La dette française devient une marchandise.
Ce n’est pas seulement un choix économique, c’est aussi un choix politique, explique le chercheur au CNRS, Benjamin Lemoine :
"Il faut la placer au mieux, la faire connaitre. L’idée est de développer une industrie de la dette. On passe d’un système où l’Etat était au-dessus des marchés financiers à un système où il est un acteur parmi d’autres. Pour obtenir cet argent, il faut qu’il donne un certain nombre de gages, qu’il se soumette à la loi du marché."
Cette financiarisation de la dette publique s’accompagne de choix fiscaux et monétaires qui contribuent à augmenter la dette.
Un audit citoyen explique le gonflement de la dette par un important manque à gagner fiscal : quand les recettes fiscales chutent, c'est moins d'impôts dans les caisses de l'Etat. L'audit met également en avant une politique du franc fort dans les années 1980-1990. Les taux d'intérêts de la dette deviennent supérieurs au taux de croissance et emprunter coûte plus cher.
Et rien ne s'arrange avec la crise financière de 2007-2008, durant laquelle la dette passe de 60% à plus de 90% du PIB.
Qui vend la dette ?
Aujourd'hui, cette dette est gérée depuis les bureaux de Bercy, dans les locaux de l’Agence France Trésor, au ministère des Finances. 40 personnes y travaillent, les yeux rivés sur les ordinateurs d’une salle de marchés pour "vendre" la dette française au meilleur taux.
En résumé, c’est un système à deux étages : l’Etat émet des titres financiers auprès de 17 banques, qui vont ensuite revendre ces titres à leurs clients. "C’est comme un marché de gros : j’ai 17 grossistes qui vont ensuite revendre aux petits détaillants sur les marchés financiers", explique Anthony Requin, le directeur général de l’Agence France Trésor.
Entre 10 et 15 milliards d’euros sont ainsi échangés chaque jour sur ce marché de la dette.
Qui rachète cette dette ?
On ne sait pas précisément, mais on connait globalement le profil de ceux qui rachètent de la dette : des assurances, des fonds de pension, des banques centrales ou des gestionnaires d’actifs.
Les deux tiers de la dette française seraient détenus par des étrangers, un tiers par des français. Une mission parlementaire a tenté récemment d’en savoir plus. Sans succès. Le député Front de gauche, Nicolas Sansu s'insurge :
"Les gouvernements nous expliquent que ce ne serait pas bon qu’on connaisse les détenteurs finaux de la dette, parce qu’on risquerait d’affoler les marchés. Je suis en désaccord total avec ça."
Pourquoi est-ce si difficile d’en savoir plus ?
Parce que l’Etat lui-même organise l’opacité de la dette. Un article du code du commerce empêche d’identifier les détenteurs finaux de la dette. Cette opacité est jugée inquiétante par l’économiste Gaël Giraud :
"Il faut se prémunir contre la possibilité des investisseurs étrangers qui se fichent du contrat social et politique français, de saborder la dette publique française, en la vendant le jour où ils ne seront pas d’accord avec telle ou telle initiative de politique publique."
Selon l’Agence France Trésor, remonter "le fil de la dette" pourrait désavantager la compétitivité française sur le marché de la dette. "Nous n’avons rien à y gagner", résume le président du comité stratégique de l’Agence, Jacques de Larosière :
"C’est comme si vous disiez : il est absolument essentiel que la France connaisse le nom de chaque propriétaire de Peugeot dans le monde entier. Les produits financiers sont devenus des produits de consommation."
Sauf que cette dette profite avant tout à une minorité, celle qui détient un patrimoine financier. Les contribuables, eux, payent les intérêts de la dette : 40 milliards d’euros par an.
Face à cette situation, plusieurs économistes plaident pour une renationalisation de la dette, avec un véritable service public bancaire, sans passer par les marchés financiers.
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Considérations personnelles
Je rajouterai à cela, en rapport avec le concept de dettes d'état et avec la proximité d'une élection présidentielle, que nous pouvons nous poser le problème de l'étreinte étouffante que le système financier, et d'une façon plus générale la course aux profits, exerce sur nous et sur notre planète. Comment faire autrement, mieux et plus équitablement ? Certains diront que non, rien n'est à changer fondamentalement, le système libéral doit être encore plus libéral, n'entraver en rien le mode de fonctionnement des marchés, permettre le plein exercice de la concurrence sauvage et afficher avec hypocrisie ses objectifs politiques irréalistes de plein emploi.
Peut-être faut-il concevoir les choses différemment, inventer et mettre en place une nouvelle façon de vivre ensemble ? Est-ce un choix de société raisonnable que de devenir des consommateurs effrénés, souvent endettés ? Est-ce judicieux d'admettre que l'on peut ainsi contribuer impunément à épuiser les ressources énergétiques fossiles de notre planète ainsi que ses matières premières et cela pour fabriquer des objets sans intérêt, pour les seuls arguments de la vente et de la création de profits et d'immenses fortunes ? Je ne crois pas un seul instant en la validité de ces choix, le privilège de l'âge sans doute. La planète est finie, au sens où elle est limitée dans sa géographie comme dans ses ressources. Nous la conduisons vers son épuisement, vers sa dégradation, qui peut argumenter l'inverse ? Une immense partie de la population mondiale vit au dessous du seuil de pauvreté, enlisée dans la misère, dans le servage au bénéfice des pays dominants, dans des croyances religieuses d'un autre âge qui lui font subir des antagonismes et des guerres sans fin. Il est peut-être encore temps de se reprendre en main, de ne pas attendre que les politiques aillent à l'encontre de ce qui les avantage, ce qui n'arrivera jamais.
De nombreux humains prennent conscience de ces problèmes, ils espèrent autre chose : une société ou l'industrie s'harmonise avec l'environnement naturel, avec l'économie de l'énergie fossile résiduelle, avec l'apport d'énergie renouvelable et le recyclage optimal des matières premières et aussi avec le souci permanent de la dépollution et de l'amélioration du bilan carbone. Vivre et travailler certes, mais pas pour fabriquer tout et n'importe quoi sous le seul prétexte de capitaliser et de réjouir des actionnaires.
Pourquoi ne pas se recentrer vers ce qui est vraiment important et nécessaire :
- protéger notre planète et donc notre environnement,
- développer rapidement l'apport d'énergies renouvelables,
- économiser nos ressources terrestres en matières premières,
- favoriser la vie et la santé en incitant vigoureusement et fermement les industriels à œuvrer en ce sens,
- favoriser l'agriculture véritablement bio, celle qui est respectueuse de l'environnement et de la santé,
- permettre l'épanouissement physique, psychologique et culturel de tous,
- partager le temps de travail et donner à chacun les moyens de vivre correctement,
- ne pas se recroqueviller sur des concepts et des stratégies patriotiques au mieux ou nationalistes au pire. La vraie mondialisation doit être celle du PARTAGE. Elle constitue la seule alternative décente au problème des migrations de population.
L'argent doit-il tout compenser ? NON ! Un exemple : à quoi sert de faire payer des taxes carbones aux firmes industrielles polluantes si ce n'est d'admettre le principe selon lequel on peut s'autoriser à polluer si l'on en a les moyens financiers.
Voici quelques idées issues de la réflexion d'un citoyen ordinaire. Bien sûr elles impliquent la transformation d'un système moribond, de le rendre moins libéral, plus dirigé, moins débridé. Je vais me faire traiter de tous les noms : d'utopiste, d'anarchiste, de communiste, de révolutionnaire, d'activiste, de gauchiste, etc.. Peu importe les qualificatifs que l'on m'adresse, je m'en fous totalement. L'important est de penser aux générations futures, je suis assez âgé pour ça.
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