24 Janvier 2014
Anders Petersen est un grand photographe Européen et contemporain. Il est né à Stockholm en 1944. C’est à l’âge de 18 ans qu’il part à la découverte du monde, en commençant par Hambourg en Allemagne. Il y découvrit une vie nocturne intense, souterraine et incroyablement palpitante pour lui qui est issu d'une famille suédoise plutôt guindée. Il se liera d’amitié avec des prostituées, des travestis, des alcooliques et des toxicomanes. Il adoptera ainsi un nouveau rythme, celui d'une vie en marge de la société.
Une photographie de Christer Strömholm se révéla déterminante dans le cours de sa vie. Elle montrait un cimetière, de nuit, parsemé de traces sombres dans la neige, Petersen retournera en Suède pour rencontrer et étudier la photographie avec le même Strömholm entre 1966 et 1968. Puis il reviendra à Hambourg où, au cours de plusieurs années et de nombreuses soirées, il prendra les photos qui deviendront celles de son premier livre : Café Lehmitz. C'est dans ce contexte qu'il bousculera les concepts photographiques classiques. Sa série de clichés consacrée aux habitués du café Lehmitz en constituera le meilleur exemple. Petersen a fréquenté pendant trois années consécutives ces lieux. Il a pris le temps de s'en imprégner. Il y a côtoyé des êtres humains que l'on ne regarde habituellement pas ou bien que l'on feint de ne pas remarquer, des cabossés de la vie. Il leur a parlés, il les a interrogés, il s'est intéressé sincèrement à eux, avec sympathie. Tel un caméléon le photographe s'est peu à peu confondu avec son lieu de prédilection. Il en est devenu un élément familier auquel on autorise des photographies très intimes. Cette approche à la fois originale, prudente et courageuse l'a guidé tout au long de sa carrière. Il est allé jusqu'à fréquenter longuement des quartiers carcéraux de haute sécurité ainsi que des asiles d'aliénés et des foyers pour personnes âgées. La contemplation de ses oeuvres nous oblige donc à considérer des situations et des personnes en marge de la société.
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« J’aime regarder. Je voudrais avoir le regard innocent d’un enfant et voir le monde pour la première fois. J’ai remarqué que je ressens de plus en plus le désir d’être primitif, semblable à un chien. Quelqu’un qui photographierait ses expériences et ses souvenirs à la lisière de l’identité, avant qu’ils ne se compliquent. Il faut comprendre qu’on trouve plus de vitamines créatives en fouillant dans la terre qu’en côtoyant les anges dans le ciel. D’habitude je ne prends pas de photographies à la recherche de la réalité. La réalité est surévaluée et signifie tant de choses merveilleuses et contradictoires. Mais à l’évidence, j’aime cette confusion. C’est une sorte de plate-forme qui permet de se sentir bien à l’intérieur et j’ai remarqué que ça aide, un peu, d’être petit et timide. La photographie ne traite jamais de la photographie, mais parfois elle effleure votre réalité. Je crois en ce que je ressens, et en l’illuminant à travers soi, cela peut parfois être un moyen de fixer la vie avec autant de proximité qu’un autoportrait. Jamais sans risque, absolument stimulant. Pour moi, il y a des rencontres qui ont de l’importance, les images en ont moins. Il suffit de trouver son propre équilibre, sans être sentimental et sans disparaître lors de ces rencontres et ces aventures amoureuses. Il faut avoir un pied dans la situation, mais garder l’autre au-dehors. Alors je continue à poser les mêmes questions, sans manières en sachant qu’il y a plus de caché que de visible. Toujours étonné par l’imprévisible. »
Anders Petersen – source : Les rencontres d'Arles
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J'ai découvert Anders Petersen à l'occasion de la lecture d'un article de la revue Réponses Photo qui lui était consacré, sous la plume de Jean-Christophe Béchet, le rédacteur en chef adjoint. J'ai regardé avec attention les photos présentées puis je suis allé en dénicher d'autres sur le net pour approfondir ma connaissance de l'artiste. Le choc visuel et émotionnel a été frontal. Les photos paraissent choquantes au premier regard puis, une fois cette première impression passée, j'ai pris très rapidement conscience de ce qu'elles impliquaient, à savoir leur vérité et le talent de leur auteur. Ces photos ont été réalisées en noir et blanc pour aller à l'essentiel et ne pas se laisser distraire par des informations colorées et parasites. Elles mettent en scène des êtres humains photographiés de près, au 35 mm. Les situations sont souvent très intimes. Tout cela impliquait bien évidemment une démarche engagée de la part d'Anders Petersen. Il ne suffisait pas de voir et de regarder, il lui fallait s'intégrer totalement aux lieux qu'il investissait, apprivoiser les êtres qu'il rencontrait, dialoguer et leur donner confiance. Il lui fallait également passer au dessus de tous les préjugés habituels des personnes bien pensantes, oser une démarche attentive à la rencontre de ceux qui se sont ou bien qui ont été marginalisés et qui se retrouvent sur le quai de la gare en regardant le train passer. C'est tout cela qui m'a impressionné, sans oublier bien évidemment la qualité artistique des clichés, leur dynamisme, leur graphisme, leur expressivité.
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Exposition du 13 novembre 2013 au 2 février 2014
BnF Richelieu / Galerie Mansart
L’un des plus grands photographes actuels, Anders Petersen (né en 1944), présente en 320 photographies les étapes marquantes de son œuvre. Photographie de rue, portrait, nature morte, les images sont d’abord une manifestation de ses affects. Entre ses débuts remarqués, – grâce à la série Café Lehmitz (1975) – et l’œuvre en cours intitulée City Diary, on a vu s’épanouir et évoluer un style parfois imité mais jamais égalé. Les milieux fermés du Café Lehmitz ou de la prison ont laissé place aux labyrinthes des villes, aux rencontres de hasard. Cependant, le travail actuel était déjà en germe dans les toutes premières images. Les objets, les lieux, les habitants des marges photographiés par Petersen se déploient en une constellation de photographies qu’il assemble, déconstruit, remodèle au gré des livres et des nombreuses expositions. Un monde âpre, une vision fulgurante, tranchante : l’auteur se tourne vers le réel et l’affronte. La puissance inégalable du noir et blanc et l’énergie visuelle d’un snapshot virtuose participent d’une volonté affirmée dès ses débuts : Le désir d’être surpris par l’imprévisible, et le souhait d’approcher l’autre au plus près…
Cette exposition est une coproduction de la BnF, de la galerie VU’ et de Fotografiska (Stockholm), avec le soutien de Iaspis. Dans le cadre de Paris Photo 2013.
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