Blog photographique biodégradable
18 Septembre 2011
Généralités
Paul Gauguin : les lavandières à Pont Aven
La commune de Pont-Aven est localisée à proximité du littoral atlantique. Elle est bordée à l'est par la rivière Aven qui s'élargit en estuaire en aval de la bourgade. Les eaux de la rivière serpentent comme elles le peuvent au sein d'un gigantesque chaos granitique, puis elles rejoignent la mer. Au 19ème siècle de nombreux moulins utilisaient la force hydraulique et animaient cette petite cité. Il était d'ailleurs communément dit : "Pont-Aven, ville de renom, 14 moulins, 15 maisons". Au nord de la ville, surplombant l'Aven, se trouve le bois d'Amour.
Un Point de vue révolutionnaire
Le constitutionnel Jacques Cambry, véritable touriste avant l'heure, visita la petite cité en 1794. Il nous donne un bref aperçu de celle-ci telle qu'elle était il y a deux siècles : « Ce petit port de mer est le séjour le plus capricieux. Il est placé dans l'eau sur des rochers, aux pieds de deux monts élevés, sur lesquels sont semés d'énormes blocs arrondis de granit qui semblent prêt à se détacher. Ils servent de pignon à des chaumières, de murs à des courtils. Ces blocs descendus de la montagne gênent le cours de la rivière, qui bondit contre tant d'obstacles. Des moulins placés sur ses rives s'en sont servis comme d'appui pour y placer l'essieu de leur rouage; des ponts de bois les réunissent. Les coteaux d'alentour sont habités, boisés, et d'un aspect extraordinaire, singulièrement variés. Le bruit des eaux, le bruit de vingt cascades étourdissent le voyageur comme les moulins à foulon de Dom Quichotte, comme les chutes d'eau de la Suisse et de la Savoie. »
Paul Gauguin : paysage à Pont Aven
Le débarquement
Bien avant les années 1880, de nombreux artistes français et étrangers prirent pension à Pont-Aven, surtout en été, en particulier des Américains, des Britanniques et des Polonais. Des marchandes de couleurs et des galeries s’installèrent et la municipalité encouragea le mouvement en autorisant les débits de boisson à rester ouverts jusqu’à 22 heures…
Comme les autres aubergistes locaux, Julia Guillou, propriétaire de l'Hôtel des Voyageurs, sut comprendre le parti qu’elle pouvait tirer de l’afflux des peintres en construisant une annexe avec une nourriture de qualité et des prix bas. La salle à manger fut décorée par les artistes qui payaient parfois en nature. La beauté des paysages champêtres bordant par endroits l’estuaire de l’Aven ou la belle côte rocheuse les séduisirent. Ils prirent aussi souvent comme modèles des habitants dans leurs occupations ou alors des jeunes femmes qui acceptaient de poser.
Un certain Gauguin
Paul Gauguin : autoportrait
Paul Gauguin disait : «J'aime la Bretagne, j'y trouve le sauvage, le primitif. Quand mes sabots retombent sur ce sol de granit, j’entends le son sourd, mat et puissant que je cherche en peinture. »
Il arrive à Pont-Aven en 1886. Sa forte personnalité est rassembleuse. Elle lui permet de constituer un groupe assez homogéne et d'y créer une école dont les théories devaient se concrétiser par ce que l'on a appelé indifféremment le cloisonnisme ou le synthétisme. Les larges plans de couleurs sont traités par des motifs dont les contours sont eux-mêmes accusés par des cernes.
C'est donc paradoxalement la Bretagne, pays de traditions un tantinet druidique mais surtout fortement religieuses avec des rémanences féodales, qui inspire cette incroyable modernité à Gauguin et à ses compagnons. La célèbre école de Pont-Aven aura, selon Maurice Denis, influencé autant d’artistes que, naguère, l’école de Fontainebleau »
La pension Gloanec en 1888
Cette école artistique fait naitre le symbolisme pictural. Elle permet aux artistes de revendiquer et d'assumer leur droit au lyrisme et à la liberté.
Gauguin avait pleine conscience de ce qu’il avait apporté : « Vous savez depuis longtemps que j’ai voulu établir le droit de tout oser. Ceux qui, aujourd’hui, profitent de cette liberté me doivent quelque chose. »
Le Fauvisme en germe
Les peintres se débarrassent donc progressivement du rendu de la réalité et de l'impressionnisme. Ils tendent vers une harmonie détachée du réel. Ils oublient les modelés, la profondeur, la source de lumière si chers à leurs aînés. Les masses simplifiées prennent le dessus, accompagnées par l'utilisation de la couleur en à-plats. Les arbres bleus et les sols rouges le révèlent, un peu à la façon d'un manifeste contestataire.
Cependant cette évolution picturale ne s'est pas faite avec facilité. Certains artistes peinent à se détacher des petites touches à la Pissaro, des flammes colorées à la Van Gogh. Parfois, notamment Gauguin et Emile Bernard, alternent la manière impressionniste avec des masses colorées cernées de noir, inspirés du vitrail. C'est initialement pâteux et malhabile puis raffiné et audacieux. L'estampe japonaise si en vogue à l’époque n’est pas loin...
Emile Bernard : La moisson
Le Symbolisme en marche
« Le symbolisme accorde la primauté au rêve, au mystère, aux visions oniriques, aux fantasmes. »
Ce sont les peintres de Pont-Aven qui, dans une part au moins de leur œuvre, manifestent un symbolisme spirituel et plastique novateur. Avec eux, l'œuvre d'art devient :
1° Idéiste, puisque son but unique est l'expression de l'Idée ;
2° Symboliste, puisqu'elle exprime cette Idée par des formes ;
3° Synthétique, puisqu'elle écrit ces formes, ces signes, selon un mode de compréhension général ;
4° Subjective, puisque l'objet y est toujours considéré en tant que signe ;
et enfin,
5° Décorative, conséquence de ce qui précède.
Paul Sérusier : le Talisman
Le prochain article traitera de la façon dont un photographe amateur et également amateur de photographie perçoit la réalité de cette petite ville bretonne.
Bien cordialement
Michel